* L'oiseau-tonnerre ~ Libre.

Paratonnerre.
Indéniablement, son corps semblait réceptacle des griffes du ciel, et s’en emparaient d’une acidité qui se qualifierait volontiers de consternante. Tel le grondement provoqué par une cavalcade effrénée de chevaux aux sabots d’acier, les hululements haineux du carnage céleste se répercutaient sur toute la voûte jusqu'à en transmettre les échos aux habitants de la terre, rongée par l’érosion ardente et les pluies incessantes de comètes embrasées. Le vent se mêlait à la cacophonie, crachant ses tourmentes impitoyables, désireux de se transformer en cyclone au pouvoir de destruction encore inégalé par le mistral.
Dans un grondement frustré, les bourrasques galopèrent dans l’épaisse fourrure du seul individu encore présent, et se chargèrent d’emmêler son poil avec assiduité. Hurlant dans ses oreilles, mêlant sa longue toison soyeuse, malmenant sa chair de griffes indiscernables, le vent finit par lâcher prise, constatant le manque de réactions de l’individu sombre.
Inutile.
Victorieux, l’imposant mâle releva la tête, dardant deux prunelles ardentes vers les nuages de cendre, toisant avec dédain ce paradis céleste qui ne valait pas le sien. Il ouvrit la gueule. Leva la tête. Ferma les yeux.
Et but les éclairs qui s’abattaient religieusement autour de lui.
Divines nesciences.

Il devina sa présence plus qu’il ne la sentit.
L’orage grondait, en expansion dantesque, étirant des bras de lumière par-delà les distances qui séparaient les cieux et la terre. Des griffes éclatantes labouraient la stérilité du terreau trop sec et malmené pour autorisé la pousse d’une quelconque floraison. Tout n’était que bruits, extrapolation et folie.
Il aimait ça.
Découvrir derrière la neutralité du monde, une parcelle d’indécence qui n’était que fureur et agonie. D’observer sous son voile chevelu, deux Titans immémoriaux se battre depuis toujours et autoriser la présence de témoins et de victimes. Le chaos battait son plein telle une fête destinée à finir l’ère actuelle dans la cacophonie la plus totale.
Lui qui n’aimait que le silence !
Avalant le courroux des géants, le Brun ne réagit pas, se tenant immobile de longues minutes, luttant contre les deux êtres inexistants qui se défiaient sans but concis. Tragédie des batailles vaine, comédie des éléments d’égale force. Il ne comprenait pas. Haïssait cette impuissance mentale, habituellement.
Et s’en délectait à présent.
Les braises qui lui servaient de pupilles se tournèrent alors, presque pas erreur, vers la forme connue qui progressait vers lui, tel un nuage de caramel à l’arôme capiteux. Auréolée d’une bruine qui se faisait rare en ces terres hostiles, elle progressait, gagnée elle aussi par l’allégresse d’une vue aussi peu commune et partagée.
Puis s’arrêta.
Après une brève réflexion, Wyard se dirigea vers elle, marchant d’un pas tranquille et chaloupé, laissant craquer pour les premières foulées, ses articulations douloureuses et gelées.

« Il est rare qu’un pactisant du feu nous apporte la pluie.

Il lui parlait, s’en approchait.
Elle l’intriguait. C’était rare.

L’eau dégoulinante sur son poil surchauffé le relaxa instantanément.

La perplexité se lisait dans la mer de caramel qui flottait en suspension dans ses iris, cédant rapidement la place à une terreur mesurée, une angoisse qui augmentait. Alerté, le mâle plaqua légèrement ses oreilles vers l’arrière, redoutant qu’il ne soit la cause d’une telle anxiété. Après tout la demoiselle pouvait être multiphobique sur des périodes courtes et définies, à l’instar de l’épilepsie si l’on excluait le facteur déclencheur. Bien évidement, il n’était pas dans sa nature d’effrayer les personnes qu’il croisait ; il se hâta de chercher une explication moins hasardeuse, qu’il trouva au sein même des éclairs. La foudre, attirée par le cristal entourant le myocarde, frappait parfois leurs détenteurs. A partir de là, une théorie se formait très facilement, étayée dans mal par les dires entrecoupés de la citadine du chaos.
Elle n’entendait rien.
Un animal étranger au clan de l’électricité était évidement plus explosé aux troubles de la rétine et à la destruction du tympan qu’occasionnaient les griffes de fer. Après une brève vérification imperceptible grâce à son don, le brun valida sa théorie : le choc sourd des titans se heurtant l’avait momentanément assourdi. Tel un docteur, il se devait de l’aider après avoir posé son diagnostic. Réclamant son attention, il la poussa du nez, réclamant quelques minutes afin qu’elle comprenne aisément ce qu’il voulait lui faire comprendre.
Il tourna la tête à droite. Pointa ses oreilles. Leva une patte dans cette même direction. Puis, après un regard bref envers la brune, Wyard se dirigea d’un trot souple et cadencé vers l’Est, là où il savait trouver une grotte qui l’abriterait du fracas de la foudre. S’il le fallait, il lui proposerait son aide afin de réparer les tissus endommagés, s’il y avait.